📖 Le patois charentais
- Charente Périgord
- 12 juin 2019
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 sept. 2024


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Cet article concerne les particularismes du langage des anciennes provinces de Saintonge, d'Aunis et d'Angoumois encore présent en Charente, en Charente-Maritime, dans le sud des Deux-Sèvres, le sud de la Vendée et le nord de la Gironde. Il existe des mots communs aux deux Charentes, une unité linguistique mais de nombreuses variantes soit de terme soit de prononciation. Le saintongeais a fortement influencé l'acadien et en conséquence, par “ricochet”, le cadien; quant au québécois, il a été influencé par les parlers tels que le normand, le francien et le saintongeais.

Présentation
Aire linguistique du Saintongeais
On appelle saintongeais (patouê saintonjhouê, jhabrail), la langue vernaculaire parlée dans les anciennes provinces d'Aunis, Saintonge et Angoumois. On l'appelle aussi le charentais. C'est une langue d'oil.
Son aire couvre tout le département de la Charente-Maritime, l'ouest et le centre du département de la Charente, le nord du département de la Gironde avec son Pays Gabaye et ses enclaves saintongeaises autour de Monségur; est également concernée la partie aunisienne (sud Vendée) et saintongeaise (sud Deux-Sèvres) du Marais poitevin.
Aujourd'hui, le saintongeais n'est plus guère parlé que dans les campagnes. On le trouve encore dans des spectacles, des revues, des émissions de radio. Certains mots issus du saintongeais sont encore utilisés dans la région. Des mots comme la since (serpillère) sont si répandus qu'ils peuvent être considérés à tort comme des mots de français.
◾Une association, la SEFCO (Société d'ethnologie et de folklore du centre-ouest), fait encore vivre la langue régionale à travers une revue, le Subiet (sifflet en charentais), publiée tous les deux mois.
◾La revue Xaintonge est publiée, quant à elle, deux fois par an. Ses articles sont soit en saintongeais, soit en français.
◾Le grand promoteur du parler charentais fut au début du XXe siècle le "barde saintongeais" Goulebenéze, relayé par Odette Comandon, auteur de comédies et de contes, actrice et conteuse patoisante.
Prononciation
Le digramme 'jh' indique que le [ʒ] du français standard (orthographié <j> ou <ge>) se prononce en saintongeais [h] (fricative glottale n'existant pas en français contemporain, mais existant notamment en anglais). Par exemple : « mojhète » se prononce [mohet], « parlanjhe » se prononce [parlɑ̃h].
Le son « ien » est prononcé « eun » ; par exemple, « un cheun » pour « un chien », « un reun » pour « un rien ».
[wa] peut se prononcer [e] : par exemple « droit » devient « dré ».
Le r est légèrement roulé [r].
Le i est légèrement ouvert. Ex: « utile » se prononce [utél].
Chez bon nombre de locuteurs, le é ouvert [ɛ] n'existe pas. Il est remplacé par le é fermé [e] dans toutes les positions, mais seulement en syllabe fermée. Ainsi « lait » devient [lé], « paisible » devient [pézib]. Par contre le ê ou è (en syllabe ouverte) est légèrement exagéré et diphtongué; ainsi « crème » se prononce [kraɛm], « Marennes » se prononce [maraɛn].
Grammaire
La tournure interrogative « est-ce que » + proposition assertive, majoritaire en français parlé, est pratiquement absente, au profit de l'inversion du sujet.
La conjugaison de nombreux verbes au présent se fait par l'adjonction du suffixe [ã] (ant) au radical à toutes les personnes.
La conjugaison de nombreux verbes au passé se fait en employant l'auxiliaire « avant » suivi du participe passé du verbe à toutes les personnes.
Quelques mots toujours utilisés
'(H)arnat : Jarnac
Acertainer : affirmer
Ajace ou ajhasse ou "ageasse": pie (l'oiseau)
Affaire : truc
Asteur ! : Littéralement, A cette heure !, mais cette interjection a le sens que le locuteur veut. Comme le "té" ou le "peuchère" occitan. Asteur est un mot fondamental en charentais, et pourtant on le retrouve un peu partout en France, jusqu'en Belgique et au Canada même.
Baignassout : touriste qui ne fréquente que la côte.
Balerit : faucon crécerelle. Employé aussi pour désigner l'épervier (l'oiseau).
Barrer la porte, fermer à clef. vient des anciennes fermetures fermées avec une barre intérieure
Battre : le temps des batteries, de battre "taper". Donner manuellement ou mécaniquement des chocs pour extraire le grain de son enveloppe après la moisson
Benèze ou beun'aise : heureux, bien-aise, le fait de se sentir bien.
Bespagne : maïs (déformation de blé d'Espagne ?).
Beugner ou Bugner : Cogner
Beurgot : Le frelon
Beurouette : brouette
Binloin : Saintongeais qui a quitté la région mais qui y reste toujours très attaché; vocable inventé à partir de surnoms de patoisants
Bique : chèvre
Boisillé : désigne le saintongeais de l'intérieur des terres, par opposition au cul salé.
Bordoirer, beurdouérer : étaler, salir
Bots : sabots
Boueux : éboueurs
Bouillard : pluie
Bouiner : faire, "boutiquer" . Qui qu'tu bouines ? Qu'est-ce tu fais Qu'est-ce que tu "boutiques"? S'adresse à quelqu'un de lent, qui traîne. Ce mot est aussi utilisé en normand, où il a la même signification.
Bourre ou bourrier : (masc., poussière). Désigne plus particulièrement le tas de poussière lorsque l'on passe le balai.
Buffer : souffler, respirer fort, venter
Cagouille : l'escargot Petit-Gris. Les charentais sont souvent appelés cagouillards. L'escargot est emblématique de la Charente. De plus, la supposée lenteur des charentais, telle celle de l'escargot, est proverbiale.
Cassotte : récipient avec manche tubulaire pour servir de l'eau en la puisant dans un seau
Chaline : se dit d'un temps orageux avec éclair de chaleur
Chéti ou Chéty: du latin captivus, prisonnier de guerre, mais alors que le français chétif retient la misère physique, le charentais décrit par là le blagueur, la canaille, méchant, l'habile qui prend parfois des libertés avec la morale. D'où des formulations étonnantes comme te vla donc grand chéty
Cheun : chien
Coluche : canard, cane (coluchon: jeune canard)
Cougnat, le cougnat : Cognac, le cognac
Couniller : Ne rien faire, tourner en rond, comme un lapin (occitan: conilh). Qu'est-ce que tu "counilles"? S'adresse à quelqu'un qui traîne, qui hésite.
Coutia : Un couteau
Crocheter : accrocher
Cul salé : terme de français régional désignant un habitant du littoral de la Saintonge (en référence aux marais salants)[2] ; en saintongeais, l'on parlera plus volontiers de Thiu salé
Dâil : une faux
Débadigouler : dire, énoncer sans trop comprendre ce qu'on dit et/ou sans qu'on vous comprenne. " Débadigouler la grand messe" : dire la messe.
Débaucher : quitter le travail le soir (et Embaucher pour commencer le travail le matin)
De même : de cette façon, comme ça, exemple: ça marchera bien de même; cela fonctionnera bien de cette façon
Le drôle et la drôlesse : Le fils et la fille (mot que l'on retrouve en occitan : dròlle signifiant « enfant » dans cette langue). Par extension, un drôle ou une drôlesse sera un garçon ou une fillette, en général.
Éloise : éclair — « Coum ine éloise » (« comme un éclair ») est la devise des sapeurs-pompiers de la Charente-Maritime.
Éloiser : (intraduisible car aussi bien éclairage par éclats qu'action rapide) O éloise, ça éloise : Des éclairs déchirent le ciel, il y a de l'orage. Éloiser est également utilisé en Charente dans le domaine du football pour dire : dégager et pour un véhicule qui démarre trop rapidement.
Embaucher : aller travailler — « j'embauche à huit heures et je débauche à cinq heures ».
Fillatre : le petit-fils
Frairie : fête foraine
Friquet : écumoire.
Garouil : maïs.
Faire godaille : Faire chabrot, c'est-à-dire mettre du vin (blanc ou rouge) dans le reste de bouillon de soupe
Garrocher : Jeter
Gassouiller jouer avec l'eau d'une bassine ou d'une flaque, éclabousser. On dit aussi sagouiller ou cassouiller. Gassouille: flaque
Goret : porc, cochon et Gorette pour une truie ( voir aussi une "treue"). L'emploi se doit d'etre suivi de "sauf vout' raspect" si non le mot est insultant
Goule : visage, bouche (une fine goule : un gourmet)
Goûnasse : Faible goût.
Goûnassier ou gougnafier : mauvais cuisinier, plus largement personne sans intérêt, un goujat.
Grâler : brûler, cramer, en cuisine. - griller
Grignou : Clochard, personne sale ou à l'hygiène douteuse. Être habillé en grignou : mettre de vieux vêtements usés, pour aller ramasser les cagouilles, par exemple.
Grolle : corbeau
Guetter : surveiller que quelqu'un ne le prenne pas. "Tu me guettes mes affaires ?"
i : je
Jho ou gheo : coq
Jobrer : asperger, salir
Jhouque : perchoir à volaille.
Mardoux et mardouze : ...
Marienne : la sieste ( de "méridienne" )
Migheot ou Mighet : Pain trempé dans du vin sucré avec des glaçons (non) , remplaçant la soupe l'été.
Mongettes , mojhettes ou mogettes : (également en Vendée), parfois prononcé « moyette » : Haricot blanc de type lingot ou soisson (« mogette piate », plate). Mogette en aiguille : haricot vert ou beurre.
Mouiller : pleuvoir
O : il, elle, ça ; « o l'est » peut signifier « je suis »,où donc? « tu es », « il/elle/c'est »
Ol'est : c'est :
Ol'est ben vrè : C'est très exact, c'est très vrai.
Ol'est beun : C'est bon
Ol'est moué, Olé toué: C'est moi, c'est toi.
Quétou qu'ol'est ? : Qu'est-ce que c'est ?
Qué qu'ol'est thieu ? Qu 'est ce que c'est que ça ?
Nâtre : teigneux, méchant. Prononcer à peine le r. (Nâtreté = méchanceté sournoise)
Nigher : inonder, noyer
Palisse : une haie
Piarde : une pioche
Poche : sac papier d'abord et maintenant plastique. Poche est français
Que, quel : pour dire ce ou cette. Exemples: As-tu vu que drôlesse !, Donne-moi quel objet là-bas !
Queunia : œuf factice destiné aux poules pondeuses.
Querreux : recoin, alcôve, cours commune
Quichenotte : coiffe traditionnelle pour le travail aux champs. Si la légende fait de son nom une déformation de l'anglais Kiss not, il semble plus probable qu'elle trouve son origine dans le terme occitan Queissonoto (littéralement : « petite caisse »). Ce nom désigne également une coiffe traditionnelle du Limousin, la Caissonata
Ranger : tenir, dans le sens « être suffisamment petit pour entrer dans un contenant » — « ça va jamais ranger son affaire ! » (« il n'arrivera pas à ranger son truc »)
Reun, Rien "y'a reun"
Since : serpillère
Sincer : passer la serpillière (laver par terre)
Tantôt : l'après-midi
Tartasser : bavarder inutilement ( ex : tartasser toute la marienne darrière les umias, soit : bavarder pendant l'heure de la sieste derrière les ormeaux )
Teurtous: tout le monde - tous
Treue : truie. Une " treue gourinière" : une truie pleine. Peut aussi être utilisé comme injure. Tout ce qui touche au cochon peut être une injure s'il n'est pas précisé "sauf votre respect" ou "avec le respect que je vous dois"....
Treuil : pressoir (dans de nombreux lieux-dits : Treuil-Arnaudeau, Treuil-Bernard…)
Véque : viens - Véque par qui... = viens par là...
Veye : verbe voir - veye-lo quequi (regarde-le celui-là)
Zou : Ce, Ceci, Cela
Expressions
o m'fait tort ou O fait tort : ça me fait bizarre («bizarre» est dans un sens négatif avec une sensation physique de mal aise comme la craie qui grince sur le tableau ou le toucher de certains matériaux...) On dit aussi par endroits O m'fait zir.
ol'est la poële qui se fout du chaudron : c'est l'hôpital qui se moque de la Charité
ol'est pas écartable : vous ne pouvez pas vous perdre
d'après que : apparemment
de rang : d'affilée, à la suite
un froid de cheun : un froid de canard (de chien)
être enfondu : être mouillé
on est rendu : on est arrivé
qu'est-ou qu'ol'est qu'cheu ? ou Quétou qu'olé ? : Qu'est-ce que c'est ?
ne pas se moucher avec un dail : être un peu « mégalo » : A's'mouche pas avec un dail ! = elle est bien fière.
" Abeurnoncieau !" ( "ab renoncio", extrait du rituel batismal : "Je renonce à Satan, etc.") expression marquant l'horreur (modérée...) ou le dégoût.
" Ah ben couillon ! " marquant plutôt la surprise voire, l'admiration.
"Aille donc !" : c'est pas possible, c'est n'importe quoi
" o fi' d'garce!" : exclamatif (une garce est une petite jeune fille, sans aucun caractère péjoratif, une belle garce est jolie, bien roulée )
Et les compliments à l'envers (en forme de litote):
"il a oublié d'et' sot"
Controverse
Une polémique entre tenants du saintongeais et tenants du poitevin-saintongeais a récemment défrayé la chronique et vient d'être tranchée. Le dossier du saintongeais a été examiné par Mme Simoni-Aurembou avant d'être accepté. Mme Simoni est directrice de recherche au CNRS et c'est parce qu'elle a donné son accord que la Délégation aux langues de France a reconnu, le 27 février 2007 le saintongeais comme langue de France distincte du poitevin.
Se basant sur les études du XIXe siècle ayant mis en évidence l'unité linguistique (relative) de l'ensemble linguistique d'entre Loire et Gironde, des poitevins et des charentais créèrent dans les années 1970 le terme poitevin-saintongeais pour désigner ce qu'ils souhaitaient promouvoir comme la langue rassemblant parlers poitevins et parlers saintongeais. C'est la position de Liliane Jagueneau, professeur de poitevin-saintongeais et d’occitan à l’université de Poitiers.Elle écrivait en 1994 « Tout d’abord le poitevin-saintongeais correspond aux cinq départements de Poitou-Charentes-Vendée, auxquels s’ajoute une partie du nord de la Gironde, le pays gabaye. […] les points du domaine poitevin-saintongeais sont suffisamment proches dans l’analyse (distance linguistique faible) pour être considérés comme formant un ensemble cohérent. Il n’apparaît pas en effet de partition entre la Vendée et le Poitou-Charentes, ni entre l’ensemble de la façade maritime et l’intérieur, ni entre le nord et le sud». La linguiste, Brigitte Horiot spécialiste des parlers d’entre Loire et Gironde (Pays de Retz, Poitou, Aunis, Saintonge, Angoumois, nord Gironde), région concernée par l’Atlas linguistique du CNRS dont elle a assuré la publication, écrivait en 1995 : « La description linguistique du domaine de l’ALO met en évidence l’existence entre Loire et Gironde d’un domaine linguistique important, forgé par sa situation géographique et par son histoire, et dont la particularité est d’être une marche entre le Nord et le Midi, entre les pays bretons et la région du Centre. »
Pour les locuteurs du Saintongeais, le Poitevin-Saintongeais est une invention d’universitaires Poitevins pour les besoins de la création de la région Poitou-Charentes. Le terme poitevin-saintongeais a donc été créé dans les années 70 par des Charentais et des Poitevins soucieux de donner une nouvelle impulsion à la langue poitevine. Le nouveau terme "poitevin-saintongeais" devait être le terme de l'union. Une langue dans laquelle les Saintongeais, pas plus que les Poitevins ne se reconnaissent. Aucune œuvre littéraire dans cet idiome à part un dictionnaire et une grammaire.
Il est à noter que le poitevin-saintongeais n'apparaît plus dans la liste des langues de France, langues d'oïl, depuis début 2007, sur le site de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLF), service du Ministère de la Culture.
Pour la DGLF, « Il va de soi que l’appellation “poitevin-saintongeais” garde toute sa légitimité partout où elle est reçue».