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Ils ne connaissaient pas la peur mais, ont su l’inspirer aux populations européennes pendant près de deux siècles. Sur les bancs de nos écoles, nous parlons peu de ces peuples scandinaves et nous n’apprenons que leurs expéditions sur la Seine jusqu’à Paris, la légende de Sainte-Geneviève ainsi que, bien évidemment, leur installation dans ce territoire qui deviendra la Normandie.
Pourtant, les bords paisibles de la Charente furent eux aussi perturbés par les invasions de ces imposants guerriers venus des pays du nord : les Vikings.
Avant d’aller plus loin, arrêtons-nous sur le mot viking, celui-ci apparaît dans les vieux textes en norrois lorsqu’il est évoqué les expéditions de ses guerriers : fara i vikingu. Si nous pouvons traduire cette phrase par « partir en expédition », le mot viking désigne ceux qui partent en expédition, vikingar. Aujourd’hui, par extension et à tort, vous l’aurez compris, nous désignons « viking » tous les anciens habitants de la Scandinavie, ces hommes du nord, les Normands.
Dans ce début du IXème siècle, la France, du moins ce qui le deviendra, est épargnée par les raids vikings qui ont déjà commencé sur les côtes britanniques et germaniques. Les côtes de la Neustrie ou de l’Aquitaine doivent leurs tranquillités à leur puissant souverain : Charlemagne.
Fils de Pépin le bref, Carolus Magnus devra partager avec son frère Carloman le royaume franc à la mort de celui-ci en 768. En plus de prendre possession de l’héritage de Carloman lorsqu’il décède en 771, Charlemagne se crée un véritable empire en conquérant les marches espagnoles et bretonnes, la Bavière, la Lombardie ou encore la Saxe. La suite, nous la connaissons tous, il se fait couronner empereur le jour de Noël de l’an 800 dans la Basilique Saint-Pierre de Rome.
Face à la menace des Danois, des Norvégiens et des Suédois, Charlemagne se dota d’une véritable flotte dont le but était de protéger les ports et surtout les embouchures des fleuves afin de bloquer toutes les incursions dans les terres de son empire. Et ces Vikings, réputés pour avoir peur de rien, craignaient pourtant de s’aventurer sur les plages de l’Empire.
Mais les hommes ne sont pas éternels et si à sa mort en 814, son fils Louis dit le pieux parvient à tenir face aux Normands, le partage en trois royaumes de l’empire lorsque lui-même mourut en 840 lors du traité de Verdun fragilise considérablement les lignes défensives et laissa les différents royaumes à la merci des Vikings.
À l’automne 845, ils arrivent ! Sur les flots calmes de la Charente où règne habituellement un sentiment de quiétude, de larges et spacieux bateaux faits de pins ou de chênes remontent le fleuve, des knerrir (et non des drakkars), semant le chaos et la terreur sur leur passage.
Il n’est pas tout à fait vrai de dire qu’ils aient attendu un affaiblissement du royaume franc pour accoster sur les côtes françaises. En effet, dans une lettre adressée à l’évêque Arno de Salzbourg en 799, Alcuin (~735-804), Abbé de Saint-Martin-de-Tours évoque déjà la présence des Normands en Aquitaine : « Les navires païens, comme vous l’avez appris, causèrent de nombreux malheurs dans les îles de l’océan des régions d’Aquitaine. Une partie d’entre eux périt : environ 115 de ces pirates furent tués sur le rivage. Leur venue, inconnue du peuple chrétien aux temps anciens, est un châtiment important du fait que les serviteurs de Dieu n’observent plus les vœux qu’ils ont l’habitude de faire ».
Si aucune île n’est clairement nommée, il s'agit très probablement de l’île de Noirmoutier chez nos voisins vendéens. Mais rien ne permet d’exclure que les îles d’Aix, d’Oléron ou encore Ré aient dû affronter les premiers raids vikings sur les plages aquitaines.
Bien que ces premières apparitions aient laissé des traces tant sur le paysage que dans les esprits, aucun autre raid n’est signalé dans les chroniques ou les annales des règnes de Charlemagne ou de son fils Louis Ier. Tout commence réellement dans l’ancienne Aquitaine dans les années 840. En 843, remontant la Loire c’est Nantes qui est saccagé, puis passant par la Garonne c’est au tour de Pau, Dax ou Tarbes d’être pillées et incendiées entre 844 et 845.
Vient alors le tour de la Charente en cet automne 845. La première ville à subir les assauts normands est l’antique cité de Saintes, qui comme le rapportent les annales d’Angoulême, est ravagée. C’est non loin de là qu’ils vont trouver l’endroit idéal pour poser leurs bagages. Plusieurs éléments laissent à croire aux historiens qu’ils ont choisi Taillebourg comme camp de base.
Outre la tentation de trouver dans le nom de Taillebourg un toponyme d’origine norroise, la topographie des lieux était tout à fait propice à l’installation d’une base : d’un côté la Charente y était, à l’époque, sur la rive gauche assez basse et sablonneuse permettant ainsi d’accoster plus facilement tandis que sur sa rive droite une falaise haute d’une trentaine de mètres assurait une meilleure défense du camp. Il ne faut pas oublier aussi qu’en l’absence des infrastructures que nous connaissons aujourd’hui les marées pouvaient avoir un effet sur le niveau de la Charente assez loin dans les terres.
Autre avantage que présente Taillebourg, c’est son emplacement géographique. Nous nous représentons toujours les Vikings sur leurs grands navires (les knerrir ou les longskip, mais absolument pas les drakkars), ces guerriers scandinaves utilisaient également les routes pour faire leurs razzias le plus loin possible dans les terres. Or, en amont comme en aval, d’anciennes voies romaines reliaient Poitiers, Limoges ou encore Périgueux. De Taillebourg, ils avaient donc un accès à l’ensemble de l’Aquitaine.
En 848, la ville de Melle, sur la route de Poitiers, où se trouvaient des ateliers monétaires, fut pillée. Vient ensuite le tour de Luçon en 853, Poitiers en 857 qui après avoir payé pour ne pas être mis à sac a vu ses faubourgs incendiés. La ville de Périgueux par deux fois, en 849 et 863 fut attaquée et complètement dévastée. Toujours dans le Périgord, le monastère de Paunat fut incendié. Angoulême aussi subit les attaques des Vikings, en 863 la ville est détruite et alors que le comte angoumoisin Turpion tente de les stopper, ce dernier est tué.
Tout cela commence à faire trop pour les aquitains qui en plus d’être poussés à la rébellion par le roi de la Francia Occidentalis, Charles le chauve et aidé par son fils, le futur Louis II qui pris en charge de réorganiser les zones défensives d’Aquitaine, décident de se soulever contre cet impitoyable envahisseur. Face à cette révolte, le nouveau chef des Vikings en Charente, Siegfridus, réduit considérablement les actions dans la région. Du moins, aucune chronique de l’époque ne fait mention d’attaque. Pourtant, ils sont encore là, continuant leurs exactions jusqu’au Xe siècle. Un évènement légendaire vient alors marquer la fin de la puissance des Scandinaves dans la région. Mais avant d’évoquer ce combat qui libérera le pays charentais, revenons aux origines de cette histoire.
Il faut remonter au jour de la nomination par Charles le Chauve en 866 d’un nouveau comte d’Angoulême et de Périgord, Vulgrin Ier. Il reçoit pour mission d’obvier aux difficultés rencontrées en Aquitaine contre les Vikings. Après avoir reconstruit les remparts d’Angoulême, Vulgrin fait sortir de terre les châteaux de Marcillac et de Matha afin de bloquer la route aux Normands. À sa mort en 886 ses deux fils se partagent la protection de l’Aquitaine, Audoin devenu comte d’Angoulême prend le commandement de l’angoumois et du saintongeais. Il passa sa vie entière à accomplir cette tâche.
Puis vient le tour du petit-fils de Vulgrin, Guillaume d’Angoulême. Trop jeune pour succéder à son père Audoin en 916, ce n’est que 10 ans plus tard, à la mort de son tuteur qu’il prend les rênes de son comté. Tout comme ses aïeux, il se retrouve à devoir combattre les Vikings.
Un jour, selon les chroniques d'Adémar de Chabanne, à la suite d’une bataille qui se termina sans véritable vainqueur, il fut décidé de s’en remettre à un combat singulier entre Guillaume d’Angoulême et Storin, le chef viking. Le lendemain de la bataille, grâce à son épée Cortrain que le forgeron Wieland lui avait forgée, Guillaume d’un seul coup tua Storin, le découpant littéralement en deux ainsi que sa cuirasse. De ce duel légendaire, il libéra les charentais et reçut le nom de Taillefer.
Bien évidemment, l’histoire des Vikings en Charente ne peut se résumer à ces quelques lignes. C’est pourquoi je vous conseille deux magnifiques ouvrages du spécialiste français des Vikings, l’historien originaire de l’Île de Ré, Jean Renaud. Avec le premier ouvrage, aux Éditions Ouest-France, Les Vikings en France, ces derniers n’auront plus aucun secret pour vous et pour approfondir leur histoire dans notre belle région, un second ouvrage édité aux éditions des régionalismes, Les Vikings de la Charente à l’assaut de l’Aquitaine.
Si vous souhaitez vous procurer ces deux livres durant cette période de confinement, je vous invite vivement à commander en click & collect auprès de votre librairie de quartier. Si cela n’est pas possible, sachez qu’il existe un très bel alternatif à Amazon : www.librairiesindependantes.com
Ainsi se termina cette invasion qui augmenta la puissance des seigneurs, mais jeta le peuple dans la misère et détruisit les monuments que la civilisation romaine avait édifiés.
Des forteresses construites à cette époque, il ne reste que des ruines de vieilles tours à créneaux et à meurtrières et l'emplacement des fossés et des grosses murailles, gardées par des tourelles élevées de loin en loin. En Angoumois, l'époque féodale primitive est représentée par les forteresses de Chaumont près Lavalette, Marcillac, Jarnac, Loubert (motte féodale), Ambournet, Les Manteresses près Montbron, Coyron près Bardenac, Guignebourg, Fontenille (château Renaud), entre Montjean et Londigny, Métrie près Chasseneuil, Rochecoradl, enfin celui de Rançon qui servit de refuge aux troupes du fameux Normand Hastings vaincu à Brissarthe (886).
Merci Glady. L'histoire est importante pour fournir un bon tourisme. C'est ce qu'on déplore de la plupart des blogueurs qui ne font que montrer de belles photos avec des textes sans intérêts.
Merci pour cette invitation à apprendre donc comprendre mieux pourquoi les « rois« étaient toujours en guerre pour agrandir et protéger les territoires - Sous cette forme courte, le plaisir reste entier - Je vais partager avec fierté votre travail -